7. NOUVELLES... Matière grise - Petit mot (2)
De la matière gris
Ça ne s’est pas vu tout de suite...
Ni même aperçu... ni su... peut-être senti... progressif, possessif.
J’ai du muscle, du must. Athlétique, ascétique, esthétique.
Sourire... silence... séduction. Belle mécanique, physique sûr, physique pur, sans complexe, sans réflexion... vivant, animal.
La gueule aussi...super, super gueule !
C’est venu... chinois... sournois... par les orteils.
La fille a dit « Hou ! c’est le pied ! » Mes yeux sont tombés.
Rien n’avait changé mais dans mes mocassins.... plus rien... plus de présence.
J’ai fait mine de remonter mes chaussettes. Vérification. Ils étaient bien là, les deux…
Mais quand j’ai voulu remuer les orteils... Rien. Désert glacé, panique...
Pas un mot !!!
Plus tard, la fille a dit aussi « Ca me fait une belle jambe! »
J’ai encore remonté mes chaussettes, vite, plus haut, de nouveau...
encore plus haut... mais je ne les sentais plus non plus, mes jambes !
Même pas le froid, le vide !!!
Et ma tête m’a semblé plus présente...
L’après-midi, dans la chambre, j’ai caressé ses longues cuisses...
Elle m’a parlé de ses fesses antillaises, hautes, rondes, de ses hanches fines, de son ventre plat, de sa poitrine enfin. Touche !
De mes muscles longs, de mon cul de béton, de mon ventre de marbre, de mon torse d’acier. Touche !
Elle touche aussi, tout est là pour elle.
Elle caresse mais elle caresse pour rien.
Je ne sens plus rien.
Ce n’est pas le froid, ni la paralysie, ce n’est rien... ce n’est pas...
Mon corps n’a plus que l’apparence... horreur, hologramme... sauf...
...sauf que ma tête est là, entière, pleine, épaisse, énorme, dense, plombée.
Il n’y a plus qu’elle, solide, lourde... et ma queue...
La peur, la peur qui monte, irrésistible !!!
Mes yeux révulsés roulent et basculent soudain.
Je perçois, je vois maintenant l’intérieur de mon crâne, mon cerveau.
IL N’A QUE DEUX CASES ! ! !? ! ? !
Deux cases... une blanche et une grise anthracite... opaque... la blanche, épaisse, chaude, gluante... reliée directement au sexe... unique survivant... protubérant.
Soudain la case blanche se vide ! brutal soubresaut de liquide… visqueux.
Cris de la fille... loin... loin...
La case blanche vidée a laissé apparaître un gazon rasé de près, d’un vert anglais prodigieux, avec juste une petite balle blanche... en bas, au centre. Propre, clair, net, green clean.
La paroi a bougé, entre les deux cases... oui ? Oui !!! J’en suis sûr !!!
Il monte, il monte !! la paroi devient convexe, à rompre...
Quelque chose (certainement pas quelqu’un) frappe doucement contre la couche qui sépare les deux parties de mon cerveau. La cloison translucide plie, s’arrondit sous une pression invisible venant de la case grise.
Je ne voie pas, je sens que ça bouge... que ça grouille !
La pulsion d’une peau frappée… un bongo s’éveille... lancinant... palpitant... et dans le gris, dans le gris ça bouge vraiment, ça bouge de plus en plus... et le bongo cogne, cogne de plus en plus fort !
LES VOILA !! LES VOILA !!
Elles sont folles, elles sont libres, elles jaillissent du brouillard, elles déferlent inlassablement, envahissent, inondent la pelouse verte qui disparaît.
La cervelle noyée, je meurs avec cette seule case, unique, grise, pleine, peuplée, surpeuplée par la multitude DES IDEES QUI N’ONT JAMAIS VU LE JOUR.
NB.
L’autopsie révéla que la pelouse était irrécupérable, totalement détruite par le rejet brutal de la matière grise trop longtemps accumulée et ignorée.
Le cerveau n’ayant apparemment obéi qu’aux pulsions esthétiques, un savant s’interrogea sur le véritable pouvoir des médias et sur la réelle capacité des hommes à maîtriser un penchant naturel pour le mimétisme.
Il édita également un essai remarquable (tiré à compte d’auteur à cent exemplaires numérotés sur vélin de Hollande) qui définissait de façon magistrale la véritable perte des potentiels humains et la sous-exploitation des ressources mentales paralysées par la priorité donnée aux modes et aux normes définies par une poignée d’individus étonnamment relayés par la presse.
Un petit mot
pour un grand mal
Un petit mot apparut sur l’écran...
Sûr de lui, sûr de sa valeur, de sa capacité à transmettre quelques vérités impossibles ou enfouies dans les mémoires.
Il était là, seul, totalement seul, au beau milieu de l’écran immaculé et luminescent dans la verdure cathodique.
Avec cinq lettres d’une banalité désarmante il avait le fol espoir de faire passer un message extraordinaire, un de ces messages uniques... qui ne peut exister que si le récepteur est totalement et correctement connecté.
Une bouche apparut soudain derrière lui, annihilant tout éclat, tout effet.
Il se sentit encore plus petit, soudain plus trouble... il n’était après tout qu’un pauvre mot, sans bruit, perdu... et quand des yeux se dessinèrent un peu plus haut, il sut qu’il n’était rien, qu’une vue de l’esprit...
En face d’elle il ne pourrait pas lutter...
Il paniqua à l’idée de disparaître totalement ; elle connaissait certainement le programme et l’éteindrait quand elle le voudrait.
Il avala sa prétention...
Ses couleurs merveilleuses, l’éblouissaient, ou, plus exactement, le rendaient plus pâle... Maintenant son sourire le désarmait... elle occupait maintenant tout l’écran et lui ne représentait plus qu’une surimpression, une réserve...
Il se mit alors à chercher des synonymes, des métaphores, pour donner le change, pour avoir sa chance... Il n’aimait pas les superlatifs, tout le monde en abuse... pas lui, oh non, pas elle non plus d’ailleurs...
Elle ne bougeait plus, fixée, comme définitive...
Il savait pourtant qu’elle s’en irait d’elle même, de son plein gré...
Le visage de la fille se fit de plus en plus doux... pastel... et lui restait là, toujours au centre, muet, immobile... fasciné, programmé...
et le miracle vint, naturellement, calmement...
Par un simple déplacement, la bouche se plaça derrière lui au centre de l’écran, s’entrouvrit légèrement ...et le prononça... « AMOUR ».
Fondant de bonheur entre ses lignes, il fut immédiatement remplacé par un synonyme « LEILA »
Jamais personne ne retrouva le programme... ni le virus...
.